PARIS en 1888

 

«Les principales hauteurs sont, en commençant par l’est, celles de Charonne, Ménilmontant, Belleville, la Villette et Montmartre sur la rive droite ; et celles de la Maison-Blanche, la Butte-aux-Cailles et Sainte-Géneviève sur la rive gauche.

 

 

Haut de la rue Champlain (Ménilmontant, XXe arr.) 

vers 1877.

 

Photographie de Charles Marville (1813-1879).

 

Paris, musée Carnavalet

La Seine a deux îles importantes, dans son parcours à l’intérieur de la ville qui est d’environ 11 kilomètres : l’île Saint-Louis et de la Cité, formées de la réunion de plusieurs îlots.

La ville se divise en deux parties principales : la rive droite et la rive gauche, à laquelle se rattachent la Cité et l’île Saint-Louis. 

 

Les distinctions entre le vieux Paris, les faubourgs et les communes annexées ne sont plus guère sensibles depuis les grandes transformations des 30 dernières années, qui ont fait disparaître une partie des anciennes rues, prolongé les grandes artères jusqu’aux fortifications et fait élever sur tous les points de grandes et belles constructions. Le centre a seulement plus d’édifices et plus d’animation. Au delà des grands boulevards sont les anciens faubourgs dont les noms se conservent encore dans ceux des rues principales rayonnant vers l’extérieur. Les plus importants sur la rive droite, sont, de l’Est à l’Ouest, les faubourgs St. Antoine, du Temple, St. Martin, St. Denis, Poissonnière, Montmartre, et St. Honoré. Ceux de la rive gauche sont moins connus, sauf le faubourg St. Germain qui fait depuis longtemps partie de la ville vieille. Les faubourgs St. Antoine et du Temple sont particulièrement occupés par des établissements industriels, le premier fabricant surtout des meubles et tout ce qui a rapport au mobilier ; le second ces milliers d’objets de fantaisie dits articles de Paris : orfèvrerie, bijouterie fine ou fausse, éventails, tabletterie, maroquinerie, bimbeloterie, papeterie de luxe, etc. Les petites industries pouvant s’exercer en chambre pénètrent même de ce côté dans la vieille ville où sont les magasins.

 

Les faubourgs St. Martin, St. Denis et Poissonnière sont plus commerçants qu’industriels : ils font le commerce en gros et l’exportation, tandis que les parties voisines du centre ont plutôt pour spécialité le détail et les autres articles de luxe, surtout les grands boulevards, avec leurs splendides magasins, et les autres rues principales de ce côté. Le faubourg Montmartre, les quartiers de la Bourse, de l’Opéra et du Palais-Royal sont les parties de la ville préférées par les établissements financiers et ils réunissent en outre les grands et les petits hôtels et tout ce qui est nécessaire pour recevoir et distraire les étrangers. Le faubourg St. Honoré et le quartier des Champs-Élysées sont occupés par les résidences de l’aristocratie de l’argent, et le faubourg St. Germain par ce qui reste encore de la vieille noblesse, les ministères et les ambassades. Le quartier latin, ou des Écoles, qui l’avoisine à l’Est, est, comme son nom l’indique assez, le siège de l’Université et d’une grande partie des établissements scientifiques de la ville. Là aussi sont la plupart des grandes librairies.

 

 

Paris, au point de vue administratif, est divisé en 20 arrondissements, ayant chacun leur mairie, quoiqu’il n’y ait qu’un seul conseil municipal ayant pour chef direct le Préfet de la Seine, qui est nommé par le gouvernement central.

 

Les fortifications de Paris ont été construites en vertu d’une loi de 1840, dans l’espace de trois ans, et elles ont coûté alors 140 millions de francs. Elles se composent d’une enceinte continue de 34 kilomètres de développement, renforcée de 94 bastions de 30 pieds de hauteur, avec un fossé de 48 pieds de largeur, avec un glacis ; puis, de 17 forts avancés qui forment autour de la ville une seconde enceinte, à différentes distances. La plupart de ces forts ont été détruits dans les sièges de 1870-71, mais on les a reconstruits depuis. Enfin une troisième enceinte encore plus éloignée, se compose de 19 nouveaux forts construits depuis la guerre. Le service de la police est parfaitement réglé à Paris et l’étranger y est en parfaite sûreté à toutes les heures du jour et de la nuit, à la condition élémentaire de ne pas se laisser duper et de ne pas se placer soi-même entre les mains des filous et des malfaiteurs qui existent ici comme ailleurs.

 

Les préparatifs pour l’Exposition universelle de 1889 se continuent avec entrain et tout sera prêt à l’époque indiquée, en dépit de l’hostilité systématique des réactionnaires de tous les pays du monde. Le directeur-général, M. Berger, a adressé aux présidents des comités d’installation de l’Exposition, une circulaire les informant qu’au premier janvier, tous les planchers ainsi que toutes les cloisons de séparation seront en place et qu’à ce moment commencera le montage des vitrines qui devra être terminé le 15 février. Dès cette époque donc, les objets d’exposition commenceront à être introduits dans l’enceinte. La même circulaire adressée aux comités des puissances étrangères les engage à suivre l’exemple de l’Angleterre dont les travaux d’installation sont assez avancés pour que le montage des machines puisse commencer le premier janvier 1889. On voit par ces renseignements que les travaux de l’exposition sont plutôt en avance qu’en retard, si bien que M. Berger s’occupe déjà de l’organisation et du fonctionnement du service de la manutention intérieure.»

Paris, 16 nov. 1888

Honoré Beaugrand

Lettres de voyages

 

Presses de La Patrie, 1889